CONFLITS DE PROCESSUS EPINEUX - « KISSING SPINE »
Les conflits de processus épineux (CPE) sont une sous partie du thème des dorsalgies, maux de dos, chez le cheval. Chez le cheval sain, les processus épineux sont espacés uniformément permettant au cheval de fléchir et étendre son dos normalement. Lors des CPE, les processus épineux sont trop près les uns des autres voire se touchent. Ce défaut d'espace entre les processus épineux réduit la mobilité dorsale et entraîne de la douleur lors du mouvement.
Fig : Physical therapy and massage of the Horse, Denoix et Pailloux
Ces conflits sont à l'origine du développement d'une inflammation osseuse des processus épineux pouvant aller jusqu'à leur lyse (dégradation).
Qui dit inflammation, dit douleur dorsale (=dorsalgie). Les localisations et le nombre de vertèbres touchées varient mais la zone la plus touchée par les CPE est entre les vertèbres thoraciques T13 à T18 avec T15 la plus souvent affectée. Il s'agit de la zone où l'orientation des processus épineux change (zone pivot). C'est aussi la zone retrouvée directement sous la selle et le siège du cavalier. Il est aussi possible, mais moins fréquent, d'observer des CPE en région lombaire.
A noter qu'il existe une différence entre un rapprochement de processus épineux où ces derniers ne rentrent en conflits que dans certaines positions, dont l'extension dorsale, et le conflit de processus épineux ou ces derniers se touchent constamment.
Les conflits de processus épineux sont très fréquents chez le cheval. Certaines études révèlent que 39% des chevaux ont des anomalies consistantes avec des CPE lors des radiographies du dos alors qu'ils ne présentent aucun signe de dorsalgie. Certaines races telles que les Pur Sang et les chevaux de sport semblent être plus aptes à développer des CPE même si cette pathologie est susceptible de se développer chez n'importe quel cheval à n'importe quel âge. Les CPE peuvent être le résultat d'un ensemble de facteurs tels qu'une selle non adaptée, un entraînement peu adapté autorisant le cheval à garder la tête haute avec le dos creusé sans engager les muscles profonds (psoas, multifidus) et les muscles abdominaux.
image Physical therapy and massage of the Horse, Denoix et Pailloux
En 1946, Slijper décrit le fonctionnement du dos du cheval comme celui d'un arc et sa corde (bow and string theory), le dos est l'arc maintenu en place par la tension de la corde, la paroi abdominale. La contraction de ces muscles abdominaux tend l'arc afin de créer une flexion ou arrondissement du dos. C'est aussi ce qu'il se passe lorsque le cheval engage les postérieurs.
Quel est le pronostic des Conflits de Processus Epineux ?
La résence de CPE n'est pas nécessairement une cause de préoccupation mais ils peuvent être un facteur de dorsalgie. La majorité des chevaux symptomatiques sont capable de retourner au travail avec un traitement et une prise en charge adaptés.
La pronostic est plus faible sur les chevaux de moins de 5ans ou ceux ayant 5 ou plus de 5 vertèbres touchées.
Les grades 1-2 (modéré) sont des lésions habituellement bien tolérées chez les chevaux de sport, mais le pronostic est à moduler surtout en fonction de la présence de signes cliniques, de l’étendue des lésions, de la présence de remaniement osseux marginal.
SYMPTOMES
Les signes de dorsalgie chez le cheval peuvent être vastes et parfois très discrets voire absents chez un grand nombre de chevaux.
Signes de dorsalgie/Conflits de Processus épineux (liste non exhaustive) :
Amyotrophie dorsale
Sensibilité au pansage
Chaleur dorsale, douleur à la palpation du dos.
Défaut de mobilisation passive du dos.
Défense à la selle ou au sanglage
Changement d'attitude du cheval sous la selle : fouaillement de la queue, défaut d'impulsion, creusement du dos, mouvements brusques de l'encolure (head tossing)
Baisse de performances
Défenses montées (sauts de mouton, se cabre sous la selle, ruades)
Raideurs thoraco-lombaire entraînant un défaut d'incurvation plus marqué sous la selle
Se désunie au galop, troubles pendant les transitions
Appréhension de l'obstacle (refus, précipitation, dérobades...)
Boiteries changeantes et intermittentes
La suspicion de conflits de processus épineux peut être réalisée grâce a l'anamnèse, historique du cheval, et à la palpation ou bien d'anesthésies locales à l'endroit suspecté des CPE, cependant, le diagnostique de certitude nécessitera la réalisation d'imagerie vétérinaire : radiographie en priorité, échographie du dos mais parfois aussi thermographie ou scintigraphie.
TRAITEMENT ET PRISE EN CHARGE
Concernant le traitement, des chirurgies sont réalisées mais je ne les développerai pas car je ne suis personnellement pas en faveur de ces chirurgies mais plus en faveur d'une rééducation et formation du cavalier afin de comprendre comment la posture du cheval et son travail influence le positionnement de son dos et donc l'apparition de CPE.
Le traitement consistera donc en un travail adapté, avec une posture adéquate, pouvant être aidé de mésothérapie ou d'infiltations du dos dans les cas les plus sévères. Ces injections, souvent mélange de corticoïdes (anti-inflammatoires) et d'anesthésiques locales ne sont réalisées que dans le but de diminuer la douleur dorsale afin de pouvoir travailler le cheval sans douleur et dans le bon sens pour prévenir ensuite la récurrence de cette dorsalgie et de stopper ce cercle vicieux défaut de masse musculaire → défaut de posture → dorsalgie → défaut de masse musculaire... Les Ondes de choc ou le Tildren font aussi partie des traitements pouvant être proposés.
PRISE EN CHARGE DES CONFLITS DE PROCESSUS EPINEUX = KISSING SPINE
Je ne développerai ici que la partie rééducation du cheval présentant des conflits de processus épineux car il s'agit selon moi, de 90% de la prise en charge de cette pathologie.
Bien évidemment, un suivi vétérinaire, des ajustements chiropratiques ou manipulation ostéopathique, l'acupuncture et la physiothérapie réalisés par des praticiens correctement certifiés sont nécessaires, mais aussi et surtout, une FORMATION DU CAVALIER à la biomécanique afin d'apprendre à travailler le cheval avec une élévation du dos = flexion de la colonne vertébrale, ce qui augmente l'espace entre les processus épineux et diminue le risque de CPE.
L'ajustement correct de la selle au dos du cheval est très important dans ce cas mais aussi le bon fonctionnement de cavalier (devant aussi consulter un chiro/osté régulièrement) ainsi qu'un poids du cavalier adapté à la conformation du cheval.
Que peut-on réaliser à froid, avant l'échauffement du cheval ?
Massage du dos
Échauffement du dos avec couverture chauffante, solarium.
Utilisation de pads en mousse (de type Sure Foot) : ils entraînent un gainage musculaire profond ce qui aide à renforcer le soutien vertébral.
Échauffement du cheval dorsalgique :
→ En main ou longues rênes :
Marche en main (toujours!)
Reculer de quelques pas (attention à la posture !!! Nous parlons ici d'un reculer avec flexion thoracique et non extension thoracique qui elle va à l'encontre de l'effet recherché et aggraverait les symptômes) Commencer par quelques pas de reculer puis augmenter jusqu'à une ligne de 15m à répéter 3 fois pendant une séance.
Bandes proprioceptives (Ttouch/theraband) sous le ventre afin de faire prendre conscience au cheval de son corps. 5 min 1 à 2 fois par jour pendant une semaine puis augmenter de 5 min chaque semaine.
photo Méthode Tellington Jones avec Danielle Dibbens
Serpentines, spirales intérieure et extérieure (cercle de plus en plus petit ou plus en plus grand)
→ En longe ou longues rênes :
Longer sur cercles de 15-20m. Il est possible d'ajouter des barres au sol sur le cercle afin de permettre un meilleur étirement et de regagner une mobilité dorsale. Commencer avec 10min à chaque main, 3 fois par semaine. Après 2 semaines, surélever les barres de quelques centimètres. Lorsque le dos est assez musclé, il est possible de réaliser cet exercice seulement pendant 5min pour l 'échauffement. Le galop à la longe sur grand cercle est particulièrement recommandé pour remuscler la ligne du dessus. Dans le cas de conflits de processus épineux ou plus généralement de dorsalgie, le temps passé au trot doit être limité pour favoriser plutôt un travail ou pas ou au galop moins délétère. On peut d'ailleurs commencer par un échauffement au galop avant de travailler au trot.
Abaissement du bout du nez vers le bas et vers l'avant est recherché (éviter les harnachements contraignants!) ce qui permet d'élever la base de l'encolure, de diminuer la courbure cervico-thoracique, et entraîne une flexion thoracique ce qui augmente la distance entre les processus épineux. Cela aide en plus à supporter le poids du cavalier.
A noter que cet exercice doit être réalisé pendant un temps limité à quelques minutes et répété plusieurs fois dans la séance. Il est contre-indiqué lors de pathologies des membres antérieurs ou d'instabilité/malalignement des cervicales.
Longer le cheval avec une bande proprioceptive sous le ventre (bande Ttouch/Theraband)
→ Monté : Il est important de faire marcher le cheval longuement avant de passer aux allures supérieures. Il est recommandé de réaliser quelques foulées de galop avant le travail au trot.
Exercices pouvant être réalisés après échauffement :
Travail sur sols différents (sable, herbe, graviers, sol relativement profond...) et en pente.
La pente ascendante permet l'engagement et la contraction des muscles abdominaux, la pente descendante augmente l'engagement passif permettant la mobilisation sacro-iliaque. Le sol légèrement profond demandera un travail plus prononcé des muscles abdominaux et des muscles des membres (attention, un sol trop profond est délétère pour les tendons!)
Travail en Cercle de 20m puis réduire progressivement la taille du cercle.
Barres au sol permettant la proprioception consciente et d'augmenter la fonction musculaire des muscles glutéaux (croupe) et de la hanche.
Serpentines, déplacements latéraux, épaules en dedans afin d'augmenter la flexibilité du cheval. D'abord au pas pendant plusieurs semaines puis au trot.
Cavalettis lorsque la rééducation est avancée.
L'importance est de varier les exercices afin d'éviter le stress répétitif. Au début de la rééducation, éviter le passage d'obstacles hauts, le grand galop, les transitions abruptes et les cercles serrés au début de la rééducation. Mettre le cheval au paddock autant que possible pour maintenir la flexibilité et limiter la raideur articulaire.
Il est important d'augmenter la difficulté et le temps de travail graduellement sur plusieurs mois et de mettre en place un programme de rééducation adapté au cheval avec une personne compétente.
Que peut-on réaliser après l'exercice ?
Flexion thoraco-lombaire et lombo-sacrale par stimulation de la croupe = faire arrondir le dos du cheval. Il est important de demander conseil à une personne compétente avant de réaliser ce mouvement. Maintenir le mouvement 10 secondes, 5 fois de suite avec quelques secondes de repos entre les sets d'exercice. Une fois par jour pendant 14 jours puis 2 fois par semaine.
Flexion thoracique par stimulation du passage de sangle afin d'élever le dos et d'augmenter la distance entre les processus épineux. Ceci permet une prise de conscience de la position du dos par le cheval. Une fois par jour, minimum 3-4 fois par semaine en maintenant 5-10sec, 5 fois de suite avec quelques secondes de repos entre les sets d'exercice.
Étirements/mobilisation de l'encolure à l'aide de carottes, ou bonbons (attention aux doigts!) pour engager les zones cervicales et thoraciques. A gauche et à droite jusqu'à l'épaule puis en avant du grasset, sur le côté du boulet puis au niveau du poitrail et entre les antérieurs sans aller jusqu'à la révérence. Tenir chaque position pendant 5 secondes, réaliser le tout 2 fois, 3 fois par semaine.
Attention, afin de réaliser le mouvement correctement, demandez conseil à votre vétérinaire, vétérinaire ostéo/chiro ou vétérinaire physiothérapeute. Les chevaux ont tendance à tricher très facilement sur ce mouvement.
!!! Il est très important de demander conseil à une personne compétente pour la mise en place de tous ces exercices !!!
Techniques de physiothérapie pouvant être réalisées par des professionnels sur des chevaux dorsalgiques : Massage, Laser, Taping, Électrothérapie, Ondes de choc, Champs magnétiques, Cryothérapie, Hydrothérapie (tapis roulant immergé).
Quelle prévention pour les dorsalgies ?
La plus important est de garder une bonne musculature dorsale du cheval et des muscles abdominaux. Pour cela, sont nécessaires : une bonne nutrition, une bonne équitation, des pieds équilibrés, un sol correct, une selle et harnachement adapté, une bonne dentition, un équilibre du cavalier et des contrôles chiro/ostéo réguliers ainsi que des étirements/massages réguliers. La prévention passe surtout par la FORMATION DU CAVLALIER afin de permettre un bon développement de la musculature du cheval et donc une posture correcte, élément clé pour la prévention ou le traitement des conflits de processus épineux.
Remarques : Tous ces exercices peuvent aussi être réalisés chez des chevaux en lordose, des fractures du garrot, une douleur de la nuque des artropathies des processus articulaires vertébraux, pathologies sacro-iliaques ou lombo-sacrales mais aussi pour réduire la nécessité d'infiltrations du dos.
Pour vous aider je vous conseille le DVD In Hand lessons de Manolo Mendez mais vous pouvez aussi suivre sa page facebook très instructive, Le livre sur la méthode Tellington Jones ansi que le livre Activate Your horse's core présenté en photo ou bien le livre Physical Therapy and Massage for the Horse, Jean Marie Denoix et Jean Pierre Pailloux
Bibliographie
Rehabilitation of back problems : Training and management – Philippe Benoît
Physical Therapy and Massage for the Horse, Jean Marie Denoix et Jean Pierre Pailloux
Présentation ISELP Jmd, Melissa King
Activate your Horse's core
https://thehorse.com/148184/kissing-spines-horses-back-pain/
Congrès AFEV-AFVAC Lyon 2011 Déjeuner table de discussion - Commission Locomotion